Vous avez dit "salafiya" ?

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Vous avez dit « salafiya »  ?
 
 

                              Salam aleikoum,

 
   « Salifiya »(1) le »minhadj des salafs sahihs », comme ils s’autoproclament , ce nom résonne souvent entre les murs de nos mosquées, depuis ces 20 dernières années, autour de ces jeunes imams (« instruits » ou formatés, c’est selon), revenus d’Arabie Saoudite ou ayant suivis un cursus suivant ce courant de pensée. Cet islam déconnecté du réel, du contexte comme étaient les monastères ou couvents, lieux de retraites isolés, construis dans des campagnes ou montagnes, éloignés des activités humaines. Nous, nos mosquées sont construites en pleine ville mais, on a réussi, ce tour de force, à être coupé du monde ! 
 
              Car cet islam prônant essentiellement que la norme, obsédé par elle, ne parle jamais ou très rarement (entre-autres) de contribution ou d’engagement citoyen, un mot qui n’est pas loin du « koufr » selon eux, un citoyen à forcément une dominante laïque ! Cette vie « monacale », on l’a intégrée, inconsciemment. Elle est le produit à la fois de la sécularisation du monde et, des discours sur la norme, sur les règles dispensées à outrance par cette mouvance salafiya wahabite qui a phagocyté nos mosquées.
 
              Pour illustrer ce travers, l’obsession des règles, deux exemples; sur la route, pour arriver à bon port, sain et sauf, sans accident, il faut connaitre et respecter le code, les règles de conduite mais, le choix de la destination et l’itinéraire ne sont pas… négligeables. Le réseau routier, partout, a le même code, les mêmes panneaux, le but, ce n’est pas eux, c’est la destination, le cheminement, non pas la limitation de vitesse, le sens interdit ou le feu rouge… La salafiya wahabite, elle, est tombée dans le panneau ! Au football, deuxième exemple, imaginez un entraineur qui ne parlerait à ses joueurs que de règles, jamais de stratégie, de tactique, de technique, de mental ou d’enjeu, impensable, on ne donnerait jamais à cette personne le titre d’entraineur, il n’irait pas loin.
 
              Dans nos mosquées aussi, on ne va pas loin… L’incompréhension des textes dans leurs profondeurs de leurs enseignements, de leurs finalités, l’ignorance du contexte et l’absence de passerelle entre les deux (textes et contextes, comment vivre son islam ici et maintenant) et la domination du savoir limité à la norme font, en gros, barrage à l’accession à la totalité du message de l’islam. Les mosquées sont remplies de Qu’oran et d’ahadiths, les Textes sont là, mais elles sont vides de compréhension globale du Message dans ses dimensions éternelles, éthiques et contextuelles, les imams compétents ne sont pas là! 
             Dans leurs grandes majorités en France, les imams ne guident à rien du tout, car un imam, par définition, c’est un guide;  il n’est plus que cantonné au rôle de récitateur de Qu’ran et diseur de règles. Pour caricaturer, juste un petit peu, on est passé en ce moment, dans nos mosquées, d’un islam du bled à l’islam d’un bled, l’Arabie Saoudite !
 
               Alors, je pose la question, où sont nos imams qui nous parlent de ce que l’islam propose comme société humaine, (la nôtre ne l’est plus depuis longtemps !), qui nous clarifient notre manière de voir le monde extérieur, de comprendre le contexte local, national et international à la lumières de nos références et autres sources pertinentes ? Où sont nos imams qui nous parlent de notre quotidien, dans sa banalité et sa singularité ? Où sont nos imams qui nous parlent de nos mondes intérieurs, de nos doutes et souffrances, de nos maladies du cœur, de nos égos surdimensionnés et de leurs remèdes, de l’amélioration de notre prière ? De nos… A vous de compléter.
 
               J’ai conscience de l’immensité de la tâche, que c’est une mission impossible pour un seul homme, pour un imam d’aujourd’hui d’être à la hauteur de tous ces enjeux alors, pourquoi ne pas « inventer » le concept d’un imam staff(2), Il s’agirait d’une équipe autour de l’imam, employée à plein temps ou partiellement, connaisseur des textes et, ou des contextes qui officierait dans les mosquée en lieu et place d’un seul imam (forcément limité, quelque soit sa tendance.) Ce groupe pluridisciplinaire, comme dans un journal, imprimerait « la ligne éditoriale » de la mosquée et le rédacteur en chef en serait l’imam. 
               Si l’on veut retrouver, dans nos mosquées, les contours d’un islam plus fidèle aux pieux prédécesseurs dans leurs capacités à relever les défis et gérer les crises, on doit renouer avec la compréhension profonde du message et donc l’identification des priorités, qui ont été les clefs de cette réussite de toutes les générations. Sortir du Tawhid-Tajwidchasseur de bid’a, l’islam T.T.,c’estl’islam PT. Désolé pour la trivialité.
 
                Abou Ḥamid Moḥammed ibn Moḥammed al-Ghazālī  (qu’4JJ¹ lui fasse miséricorde .) a senti le vent de la sclérose, lorsque qu’il occupait un prestigieux poste de cheikh. Son œuvre majeure Ihya’ `Ulum al-Din (Revivification des sciences de la religion ) en témoigne. Je sais, je fais beaucoup de raccourcis, (sinon je serai trop long !) mais, quand on parle de revivification, c’est que le coma n’était pas loin.  En ce moment, on est en train d’injecter un puissant sédatif aux musulmans à travers ces imams T.T. (Tawhid-Tajwid ) comme le seul qu’il vaille, au seul motif qu’ils se réclament des 3 premières générations. Le piège! 
                 Dans ma trajectoire de musulman, j’ai « 26 ans d’islam », je me suis pris pas mal de murs et al hamdoulil’4JJ, trouvé de nombreuses portes ouvertes, mais ils nous manquent des imams guide, des imams GPS  à la place de nos imams SMS, (en anglais : Short Message Salifiya, court message littéraliste). Dans nos mosquées et cela, depuis longtemps, l’islam s’est fragmenté en groupe, en courant de pensées, chaque clamant haut et fort, suivre  » al Kitab wa Sunna wa Jamaa », d’autres (encore eux!) ajoutent selon la compréhension des pieux prédécesseurs. Ah bon ? Les autres suivent la compréhension des nouveaux dévergondés ? 
 
                Pour être pragmatique, aux nouveaux venus dans l’islam, convertis ou pas, aux musulmans, un peu, beaucoup perdus, on le serait à moins, je leur conseille de fréquenter tous ces groupes(3), d’interroger leurs savants, à défaut, les bons connaisseurs de ces différents mouvements et pensées pour avoir une vue claire ou moins opaque, de cette pluralité, de cette diversité qui trop souvent se mue en adversité. Le danger d’interroger un adepte « de base » de ces différents courants est d’avoir une vue partielle et partiale du mouvement en question. Le plus souvent, « au sommet » chaque savant du groupe respecte l’autre tendance, même s’il peut émettre des critiques. En tout cas, elles ne sont pas excluantes comme le ferait un adepte de base. 
                 Le principe, comme l’abeille, c’est d’aller butiner sur chaque fleur pour faire le meilleur miel. En pratique, très peu de musulmans le font, chacun préfère se glisser dans le confort ses habitudes, pas de remises en questions, pas de fréquentation d’autres groupes (j’entends sunna wa jama’a) ou de loin. Peur d’attraper des boutons! Mon frère, ma sœur, si tu en restes loin, tu te prives d’un grand bienfait, d’un enrichissement. Boxons nos certitudes, on les prend trop souvent pour des vérités absolues. Méfions-nous de nos préjugés, jugeons sur pièce par nous-même, sans hâte, avec discernement, chaque groupe à du bien, notre ennemi commun  à tous (shaïtan) nous veut du mal, mal compréhension, division, exclusion, etc. Wa 4JJ alem.
 
                                                       Jean-Noël Jâbir Sohovaget
 
¹ 4JJ= Allah, c’est la transcription graphique de l’arabe. 4JJ = الله
 
(1) Le groupe « salifiya contemporain » n’est pas monolithique, ils se sont divisés et s’excluent les uns les autres, certains y voient leur propre autodestruction, inch’4JJ. Certains sont plus ouverts, ils appellent à voter (citoyenneté), acceptent la diversité des avis, etc., mais leurs références en gros, restent les mêmes. Aussi, le mot « salifiya » appartient à toute la oumma, à toute la communauté, il est un bien commun, chacun musulman et musulmane, selon son niveau et sa compréhension (nous y voilà!) essaye de tendre vers ces pieux prédécesseurs. Aucun  groupe ne peut s’arroger le droit de se l’approprier.
(2)  Concernant les avis juridiques, le Conseil européen pour la fatwa et la recherche peut remplir ce rôle, mais certaines de ces fatawas trop controversées, incite à prendre quelques distances ou du moins, à varier les sources.. Wa 4JJ alem. 
(3)  Salafiya y compris, (seulement, si vous connaissez votre din, sinon les débutants, vous allez vous faire embarquer) Je vais parfois sur leurs sites, consulter articles et vidéos de savants du Hijaz et de leurs prédicateurs français, pour comparer les avis et leurs opinions (mot dangereux chez eux!)